Luis Ferrer, ancien footballeur argentin, s’est reconverti en recruteur talentueux après avoir joué en Argentine et en France. Il se distingue à l’AS Saint-Étienne en recrutant Blaise Matuidi, puis rejoint le PSG en 2009 où il participe à l’arrivée de stars comme Javier Pastore et Kylian Mbappé. Après 11 ans au PSG, il fonde sa propre agence de management sportif : LF360, dédiée à l’accompagnement des athlètes de haut niveau.
Parmi les entraîneurs que vous avez rencontrés, notamment ceux qui vous ont permis de devenir footballeur professionnel à Buenos Aires, lesquels ont eu l’impact le plus fort sur vous ?
Parmi les entraîneurs qui ont marqué ma carrière, notamment à Buenos Aires où j’ai fait mes débuts professionnels, plusieurs ont eu un impact déterminant. À River Plate, il y avait Daniel Passarella, qui a révélé des talents comme Ariel Ortega et Matías Almeyda. Mais un autre m’a vraiment marqué, c’est Alejandro Sabella, ancien sélectionneur de l’Argentine et un numéro 10 exceptionnel. Un véritable professeur. J’étais défenseur central, mais je manquais de taille. Sabella m’a appris les rouages du métier, le côté stratégique des duels, ce qu’on pourrait appeler ‘l’art de la triche’ dans le bon sens du terme. C’est quelque chose qu’on ne verrait plus dans le football moderne. Tous ces entraîneurs m’ont transmis la grinta. L’Argentine continue d’inculquer ces valeurs de la gagne à ses jeunes. Quand on compare, Henry a été critiqué pour sa main face à l’Irlande en France, alors que Maradona a été acclamé pour la sienne en Argentine. Deux cultures, deux visions du football.
Vous avez joué un rôle clé dans le recrutement de jeunes talents à l’international, notamment des joueurs comme Kylian Mbappé. Quelles sont les qualités primordiales que vous recherchez chez un jeune joueur pour identifier son potentiel ?
Quand il s’agit de repérer de jeunes talents, ce que je recherche avant tout, c’est l’intelligence de jeu. C’est vraiment l’élément clé. Un joueur peut avoir toutes les qualités physiques du monde, mais sans cette capacité à lire le jeu, à anticiper les mouvements, à prendre les bonnes décisions sous pression, il est difficile d’atteindre le plus haut niveau. Avec l’expérience, on arrive à déceler ces jeunes qui voient le jeu différemment, ceux qui comprennent instinctivement les espaces, le bon timing.
Je pense notamment à Giovani Lo Celso. Au départ, il n’avait pas forcément le profil idéal : il n’était pas le plus rapide, mais il avait cette capacité à comprendre et à lire le jeu bien avant les autres. Il savait toujours où se positionner et comment créer des ouvertures pour ses coéquipiers. Il a su s’adapter grâce à son intelligence footballistique.
Vous avez côtoyé de nombreux jeunes talents. Quels joueurs vous ont le plus impressionné, tant par leur mentalité que par leur capacité à évoluer aux exigences du haut niveau ?
J’ai eu la chance de côtoyer de nombreux jeunes talents au cours de mes 11 années passées au PSG, et certains m’ont vraiment impressionné par leur mentalité et leur capacité à s’adapter au plus haut niveau. Blaise Matuidi, par exemple, c’est un joueur que j’ai contribué à faire venir, même si Leonardo n’était pas convaincu au départ. Mais Ancelotti, lui, voyait en lui un élément clé pour le collectif. On l’appelait ‘le joueur aux trois poumons’, tant il était infatigable. Dès ses débuts à Saint-Étienne, son père avait déjà cette ambition de le voir un jour en équipe de France.
Et bien sûr, il y a Kylian Mbappé, lui, c’est un phénomène complet. Un autre joueur qui m’a marqué, c’est Leandro Paredes. Quand il est arrivé au PSG, je lui ai dit qu’il pouvait tacler au Parc des Princes, et il a pris mes conseils un peu trop à la lettre. J’ai dû le calmer ensuite (rires). Et je pourrais en citer tellement d’autres, comme Cavani, Di Maria ou encore Presnel Kimpembe, à qui j’ai prodigué de nombreux conseils. Ce sont des joueurs incroyables, avec une mentalité de gagnants.
Quel est le rôle d’un recruteur aujourd’hui dans le football moderne, et en quoi a-t-il évolué ces dernières années ?
Le rôle d’un recruteur dans le football moderne consiste à anticiper, à voir au-delà du présent, et à lire l’avenir d’un joueur. C’est quelqu’un qui doit être capable de flairer le potentiel brut et de voir ce qu’un jeune joueur peut devenir. Prenez l’exemple de Mathieu Frison, responsable du recrutement à Valenciennes. Il a réussi à faire signer Daouda Traoré malgré la fermeture du marché des transferts. Ce jeune milieu de terrain français a été transféré à Southampton avant d’être prêté à Valenciennes pour environ 700 000 euros.
Mais chaque recruteur a sa méthode. C’est un milieu complexe où certains sont étroitement liés à des agents, parfois au détriment de l’intégrité. On trouve de tout : des recruteurs talentueux et d’autres moins compétents, souvent mal payés. Le vrai défi, au-delà du recrutement, c’est de développer le joueur.
Personnellement, j’avais la réputation d’être un spécialiste du marché argentin. Là-bas, c’est un autre monde, une vraie effervescence. On travaille différemment en Europe, où les processus sont plus structurés. Au PSG, j’arrivais à faire accepter mes idées, mais c’était un autre contexte. Finalement, un bon recruteur doit savoir gérer un dossier de A à Z, être dans le concret, parce qu’il n’y a pas d’école pour ça. C’est un métier de terrain.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes joueurs face aux défis du football professionnel ?
Dans le football d’aujourd’hui, les joueurs sont souvent traités comme des marchandises, tout le monde veut en tirer quelque chose. C’est pour ça qu’il est primordial que les jeunes s’entourent bien. La famille, les parents, ce sont eux qui doivent être là pour les ancrer dans la réalité, les aider à garder les pieds sur terre. Quand on devient professionnel, c’est facile de se laisser emporter par tout ce qui se passe autour, mais il faut toujours se rappeler d’où on vient et qui est vraiment là pour vous soutenir. Le talent, c’est une chose, mais l’humilité et un bon entourage, ça peut tout changer.